« Un palimpseste est un parchemin dont on a gratté la première inscription pour en tracer une autre, qui ne la cache pas tout à fait, en sorte qu’on peut lire, par transparence, l’ancien sous le nouveau. On entendra donc, au figuré, par palimpseste (...) toutes les œuvres dérivées d’une œuvre antérieure... »
« Qu’est-ce que le cerveau humain, sinon un palimpseste immense et naturel ? Mon cerveau est un palimpseste et le vôtre aussi, lecteur. Des couches innombrables d’idées, d’images, de sentiments sont tombées successivement sur votre cerveau, aussi doucement que la lumière. Il a semblé que chacune ensevelissait la précédente. Mais aucune en réalité n’a péri. »
« Parvenu à la fin, je suis au commencement de nouveau. »
Après avoir longtemps effacé le livre de Proust, À la recherche du temps perdu (à la gomme à encre, dans la « collection blanche » de Gallimard, à mesure d’une page par jour durant dix ans) il m’a semblé naturel de me mettre à écrire sur le vaste champ de ruine du monument gommé. Telle est, du reste, la logique du palimpseste…
Je commence d’abord par reproduire lentement, minutieusement, je dirais presque religieusement, au crayon, l’empreinte de mes plus anciens estompages proustiens. Puis, des strates d’écritures, notes manuscrites, frappes dactylographiées, dessins et impressions photographiques sur papier transparent viennent peu à peu se superposer aux vestiges, littéraires et visuels, du texte sacré de l’effacement scriptoclaste. Lambeaux d’histoires, souvenirs personnels, mémoire d’une époque lointaine, fantômes d’un monde oublié… Les images et les mots s’entremêlent et composent, dans la mise en abîme d’un vaste palimpseste, le récit disloqué d’une période charnière où, étudiant à Strasbourg, ma démarche artistique a mystérieusement commencé.
Effacer pour écrire… écrire pour effacer… long processus, prodigieux mécanisme du palimpseste.